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Le procès relatif à l’affaire dite de la « vente illégale de parcelles à Banfora » a connu son épilogue procédural ce mercredi 30 avril 2025, avec la clôture des débats, des réquisitoires et des plaidoiries. Le tribunal a, à cette occasion, mis l’affaire en délibéré pour décision le 7 mai prochain. En attendant le prononcé du jugement, retour sur les principaux temps forts de cette audience marquée par des prises de parole particulièrement incisives.
En sa qualité de représentant légal de l’État devant les juridictions, chargé notamment de l’exécution des décisions de justice et du recouvrement des créances contentieuses, l’Agent judiciaire de l’État (AJE) s’est montré particulièrement virulent dans son analyse de l’affaire. Selon lui, l’image de l’institution judiciaire a été profondément entachée par le comportement de l’un de ses membres, le magistrat Sidaty Yoda, président du tribunal de grande instance de Banfora, désigné comme le principal instigateur de l’opération frauduleuse.
« Sidaty Yoda a porté atteinte à l’honneur et à la crédibilité de la justice. Il s’est servi de sa position pour rendre des décisions en fonction de ses intérêts personnels. Tout dans le dossier tend à démontrer qu’il a orchestré cette manœuvre illicite, depuis l’identification des parcelles jusqu’à la falsification des documents de vente, en passant par la manipulation des acheteurs et l’obstruction aux investigations », a martelé l’AJE, avant de réclamer symboliquement 1 franc CFA pour le préjudice moral subi par l’État, ainsi qu’un montant de 500 000 francs CFA au titre des frais exposés.
L’avocat Me Prosper Farama, représentant du REN-LAC (Réseau national de lutte anti-corruption), s’est lui aussi illustré par une plaidoirie empreinte de gravité. Soulignant la dimension douloureuse de voir un juge comparaître pour de tels faits, il a néanmoins écarté toute indulgence, estimant que le comportement de M. Yoda ne relève nullement de l’erreur mais bien de la délinquance caractérisée.
« Nous ne sommes pas face à une simple dérive ou à un manquement ponctuel. Ce à quoi nous avons affaire, c’est un détournement de la fonction judiciaire à des fins personnelles. Falsification de décisions, subornation de témoins… Il s’agit d’un véritable système organisé par un homme dont la fonction exigeait exemplarité et intégrité », a-t-il dénoncé. Et d’ajouter : « Ce magistrat s’est comporté comme un escroc de grand marché, mais avec des méthodes bien plus raffinées. »
Me Farama a conclu en appelant la justice à se ressaisir, exhortant le tribunal à rendre une décision à la hauteur de l’enjeu : la restauration de la dignité de l’institution judiciaire. Le REN-LAC réclame également 1 franc symbolique en guise de réparation morale et 1 000 000 FCFA pour les frais non compris dans les dépens.
De son côté, Me Mamadou Sombié, conseil des prévenus Lamine Tera et Adama Ganamé, a plaidé pour la clémence. Il a mis en avant la coopération de ses clients tout au long de l’instruction et leur vulnérabilité sociale. Tous deux, d’un âge avancé et pères de familles nombreuses, auraient, selon leur avocat, permis d’éclairer considérablement le dossier. Il sollicite ainsi une peine de douze mois assortie du sursis, ou à défaut, une peine partiellement assortie.
La défense de Sidaty Yoda, quant à elle, a fermement contesté les accusations portées à son encontre. Reprenant une stratégie fondée sur le doute et la remise en cause de la crédibilité des preuves, ses avocats ont plaidé la relaxe pour infraction non constituée. Ils ont notamment critiqué les procès-verbaux versés après la mise en détention de leur client, dénoncé une prétendue coalition entre victimes et co-prévenus, et pointé l'absence, selon eux, d'éléments probants pour qualifier les infractions de stellionat et de blanchiment de capitaux.
« Le ministère public évoque un simple transfert via Orange Money sans démontrer un quelconque processus de blanchiment », ont-ils argumenté. Mettant en avant le caractère faillible de l’être humain, ils ont présenté leur client comme un « délinquant primaire » qui ne mériterait pas un châtiment exemplaire.
À la barre, dans un ultime mot, Sidaty Yoda a exprimé des regrets et présenté ses excuses, tout en affirmant ne pas vouloir minimiser la gravité des faits. « Se retrouver à la barre est une épreuve difficile. Je demande pardon à tous ceux que j’ai pu blesser », a-t-il déclaré.
Le tribunal a désormais la lourde tâche de trancher. Rendez-vous est pris pour le 7 mai 2025, date à laquelle sera rendu le jugement tant attendu de cette affaire sensible, symbole des défis actuels de l’intégrité judiciaire.
Intégration BF