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Présidentielle ivoirienne : entre exclusion politique et stratégie d'alternative, le PDCI à la croisée des chemins

Publié le 18 Mai 2025, 10:34am

Catégories : #AFRIQUE

Tidjane Thiam
Tidjane Thiam

Depuis les années 1980, dans le sillage des conférences nationales souveraines, les partis politiques africains ont nourri l’espoir que la transition démocratique se ferait dans la sérénité. Cette illusion d’un passage pacifique du pouvoir, sans résistances majeures de la part des régimes autoritaires en place, s’est heurtée à une réalité plus rugueuse : celle d’un environnement politique mouvant, souvent hostile, où les tenants du pouvoir redoublent d’ingéniosité pour maintenir leur emprise.

Aujourd’hui encore, cette cécité stratégique persiste au sein de plusieurs formations politiques d’opposition, confrontées à des pratiques d’intimidation judiciaire, à des manœuvres d’invalidation des candidatures, et à l’exclusion des figures les plus compétitives. L’inéligibilité de Tidjane Thiam à la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire s’inscrit dans cette logique. Elle soulève une interrogation fondamentale : quelle réponse face à une exclusion politique orchestrée ? Boycotter les élections, appliquer la politique de la chaise vide, ou déployer une stratégie alternative pour retourner les règles du jeu à leur avantage ?

En Côte d’Ivoire, cette question prend un relief particulier à la lumière du cas Thiam. Ancien banquier de renommée internationale, Tidjane Thiam n’est pas le premier à quitter une carrière prestigieuse pour servir son pays. Avant lui, Nicéphore Soglo au Bénin et Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire ont emprunté des trajectoires similaires, non sans obstacles. Pour Ouattara, ce fut la douloureuse expérience de l’exclusion au nom de l’"ivoirité", à l’époque promue par le PDCI. Ironie de l’histoire, c’est aujourd’hui ce même PDCI qui subit une attaque sur ce même terrain, tandis que le président Ouattara observe en silence.

Pour autant, l’épisode Ouattara offre des enseignements à méditer. Malgré les embûches, il a fini par accéder à la magistrature suprême en 2010, grâce à un compromis politique et à une inscription sur les listes électorales validée par le président Laurent Gbagbo. Ce précédent montre que des marges de manœuvre existent, y compris pour ceux que le système tente d’écarter.

La candidature de Tidjane Thiam, si elle reste invalidée, appelle ainsi à une reconfiguration stratégique. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) ne peut se résoudre à faire du maintien de son candidat un dogme intangible, au risque de s’autoexclure du jeu électoral. Il devient impérieux d’explorer la piste d’une candidature alternative, susceptible de porter les idéaux du parti et de ses militants, tout en contournant les barrières juridiques érigées contre Thiam.

Ce mécanisme de substitution, loin d’être un aveu de faiblesse, peut s’avérer une redoutable stratégie offensive. Dans une élection présidentielle, il ne s’agit pas seulement d’un homme, mais d’un projet, d’une vision, d’une équipe. Présenter un autre porte-étendard, adoubé par Tidjane Thiam et incarnant la même ligne politique, permettrait de déplacer le combat : il ne s’agirait plus de défendre un individu, mais de remettre en cause un système.

Les déclarations de Tidjane Thiam, publiées sur les réseaux sociaux le 22 avril 2025, traduisent une posture d’indignation, mais aussi une certaine crispation stratégique :

    « Il n’y aura pas de plan B, pas de plan C », a-t-il affirmé, avant de réitérer son intention d’être candidat.

Cette position, si elle traduit une légitime frustration, risque néanmoins de s’avérer contre-productive. Face à un système verrouillé, l’inaction ou le refus d’adaptation équivaut à une défaite programmée. L’histoire politique ivoirienne regorge d’exemples d’exclusions et de contournements, et c’est souvent la capacité de résilience et d’inventivité stratégique qui distingue les vainqueurs des vaincus.

Le PDCI, écarté du pouvoir depuis plus de deux décennies, doit donc se donner les moyens de sa reconquête. Cela passe par une lecture lucide du contexte, une connaissance fine de l’adversaire politique, et une capacité à anticiper les coups. Le recours de Valérie Yapo, membre du PDCI, fondé sur la question de la nationalité de Thiam, n’a pas été vu venir. Pourtant, il a constitué une brèche juridique exploitée par le pouvoir pour affaiblir une candidature crédible.

La parade tactique la démission de Thiam de la présidence du parti suivie d’une réélection organisée a certes permis de neutraliser temporairement l’offensive judiciaire. Mais elle ne suffit pas. Le verdict attendu le 22 mai devrait confirmer le caractère sans objet de cette procédure, mais le mal est fait : le doute a été semé, le terrain a été miné.

Dès lors, la survie politique du PDCI passe par une clarification de sa stratégie. Il ne s’agit plus de défendre une candidature à tout prix, mais de reconquérir le pouvoir. Cette ambition impose une vision plus souple, plus collective, qui accepte l’éventualité d’un plan B ou C, pour que la bataille ne soit pas celle d’un seul homme, mais celle d’un parti contre un système.

La politique, comme le marché, est un terrain de compétition où les forces dominantes cherchent à ériger des barrières à l’entrée. À cette réalité, les partis africains doivent répondre par l’innovation stratégique, et non par le repli sur soi. Refuser d’anticiper, c’est se condamner à subir.

Le PDCI est aujourd’hui à un tournant historique. La prochaine présidentielle ne doit pas être seulement l’épreuve de Tidjane Thiam, mais celle de la maturité politique d’un parti qui doit prouver qu’il peut vaincre même quand les règles du jeu sont faussées.

Abdalah KABORE

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