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Le parquet du Tribunal de grande instance de Ouaga 1 a levé le voile, ce mercredi 11 juin 2025, sur une affaire de traite de personnes et d’escroquerie transnationale d’une ampleur préoccupante. Face à la presse, le procureur du Faso, Blaise Bakouli Bazié, a exposé les avancées d’une enquête déclenchée à la suite du rapatriement de 22 ressortissants burkinabè, victimes d’un réseau structuré opérant entre le Burkina Faso et le Ghana.
Le 20 mai dernier, le Bureau Central National (BCN) Interpol-Ouagadougou a été informé par ses homologues ghanéens de l’interpellation de plusieurs Burkinabè impliqués dans des activités suspectes. Les autorités judiciaires, sous l’impulsion du procureur, ont aussitôt diligenté une enquête pour faire la lumière sur les faits.
Les premières auditions ont permis de révéler l’existence d’un réseau organisé d’escroquerie et de traite de personnes, basé principalement sur des mécanismes de vente pyramidale, dissimulés sous couvert d’opportunités d’emploi ou de promesses de carrières sportives à l’international. À ce jour, neuf individus ont été identifiés comme étant les principaux instigateurs de ce réseau, dont Ido Seydou déjà placé sous mandat de dépôt le 26 mai 2025 ainsi que Zoungrana Yousouf, Deme Lassina, Kombasséré Abdoul Fatahou et Ginko Akim. Deux autres complices présumés, Berthé Siaka et un certain John Sena, demeurent activement recherchés au Ghana.
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Des méthodes d’exploitation bien rodées
Selon les explications fournies par la commissaire divisionnaire de police Mariam Forogo/Yaméogo, permanente au sein du BCN Interpol Ouagadougou, les membres du réseau avaient recours à deux principaux modes opératoires.
Le premier consistait à attirer leurs victimes en majorité des jeunes à la recherche d’un emploi à travers de fausses offres professionnelles prometteuses. Ces dernières, convaincues par des discours enjôleurs, étaient conduites à Tita pour un prétendu entretien, avant qu’il ne leur soit exigé la somme de 575 000 francs CFA pour une « formation » qui s’avérait en réalité une initiation au network marketing, à travers la structure QNET. Interdite au Burkina Faso, cette activité avait été délocalisée au Ghana, où les victimes étaient acheminées de manière volontaire ou contrainte.
Une fois sur place, elles étaient sommées de créer des comptes QNET, parfois au nom de membres de leur famille, afin de récolter de nouveaux fonds. Les victimes qui manifestaient leur refus de se soumettre à ces exigences étaient alors privées de liberté, séquestrées dans une maison à Accra, dépouillées de leurs effets personnels et privées de tout contact direct avec leurs proches.
Le second mode opératoire ciblait les jeunes passionnés de football, convaincus qu’ils rejoindraient prochainement des clubs européens. Sept victimes ont ainsi été conduites au Ghana avec la promesse fallacieuse de stages professionnels à l’étranger. Une fois installées, elles étaient confrontées à une réalité bien différente : contraintes de s’endetter, parfois jusqu’à 3 millions de francs CFA, pour des frais fictifs de visa et de passeport, elles finissaient par être enrôlées dans les mêmes pratiques de vente pyramidale.
« Ces victimes, en situation de vulnérabilité extrême, finissent elles-mêmes, par dépit ou par nécessité, par reproduire les pratiques du réseau dans l’espoir de recouvrer leur mise », a déploré la commissaire Forogo/Yaméogo.
L’enquête a mis au jour un préjudice financier estimé à plus de 33 millions de francs CFA, supporté principalement par les familles des victimes, souvent ruinées par ces manœuvres frauduleuses. Mais les conséquences ne se résument pas à l’aspect pécuniaire. « Il s’agit également de pertes humaines importantes. Pratiquement toutes les victimes rapatriées se retrouvent déscolarisées, désorientées et profondément affectées psychologiquement », a insisté le procureur Bazié.
Les neuf mis en cause ont été présentés au parquet et placés sous mandat de dépôt depuis le 5 juin 2025. Leur procès est prévu pour le 17 juin prochain.
Un appel à la vigilance collective
Le procureur du Faso a conclu sa déclaration par un appel solennel à l’endroit de la jeunesse, et particulièrement des diplômés sans emploi, les exhortant à faire preuve d’une extrême prudence face aux offres d’emploi trompeuses ou trop avantageuses pour être vraies :
« Nous appelons les jeunes à observer la plus grande vigilance, même lorsque ces propositions émanent de proches ou de membres de leur propre famille. »
Cette affaire met en lumière les défis que pose la criminalité transnationale en matière de traite de personnes, mais aussi l’impérieuse nécessité de renforcer l’éducation au discernement et la lutte contre l’exploitation de la détresse sociale. Grâce à une coopération fructueuse entre le Burkina Faso et le Ghana, une étape importante a été franchie, mais le combat contre les réseaux mafieux reste entier.
Intégration BF